Au sein des Essais 2016, les étudiants de seconde et troisième année de l’ENSATT nous présentent une création théâtrale en quatre pièces bien distinctes tout autant que complémentaires. Tout au long de cette représentation, foisonne une réflexion sur la place du spectateur par rapport aux comédiens ou bien la notion de ce supposé « quatrième mur », expérimentée sous la forme d’une déambulation à travers l’institution lyonnaise.
Une certaine liberté est accordée au regard du spectateur, qui, quant à lui, dispose d’un champ de vision à 180 degrés du fait que les comédiens exploitent tout le théâtre, et ce dès la première représentation. En premier lieu, nous plongeons dans un décor trash et subliminal ; une décharge, soit le quartier général d’une bande de jeunes révolutionnaires déterminés. Un décompte de trente minutes est déclenché et trois protagonistes s’activent à leur conversation acharnée. Quand survient cette césure fatale, où une comédienne quitte subitement la scène, laissant le spectateur dans l’incompréhension totale ; comment réagir alors ? Ainsi s’engendre l’interaction, qui s’achève inopinément avec un chant collectif de l’hymne national s’il vous plaît. Décontenancés, les spectateurs sont conviés à la représentation suivante dont l’ambiance qui en résulte n’est pas moins déconcertante.
Encore une fois, la magie théâtrale se dessine par un décor surprenant : une pile d’oreillers, un plateau en damier noir et blanc, une bâche trouée à travers laquelle transgressent des rayons de lumière se métamorphosant en un ciel étoilé. Des bribes de sons correspondants à la techno, l’ambiance d’une soirée juvénile, et une fois encore ce questionnement existentiel de l’Être par cette scène où deux filles figurent, l’une muette et l’autre sur-honnête débitant un amas de vérités humaines et dérangeantes. Puis, se déroule un monologue effectué à jardin, où l’angoisse et l’inquiétude montent en spirale.
Une représentation qui relate rareté et originalité, relevant un aspect aussi physique pour le spectateur ; avec la déambulation qui mène les spectateurs dans une pièce obscure, ils sont alors séparés en deux par un filet.
Chaque étudiant à son poste, la scénographie est puissante ; notamment ce parallèle entre la lumière et le son. Parfois s’alimente une atmosphère gênante ou oppressante, peut-être liée à la notion de vie en société, quel impact à notre échelle, etc. La pièce finale se déroule avec des flots de paroles, les comédiens tournoient dans l’espace en courant, réveillant quelque chose de l’ordre du « nous sommes là pour créer des mondes ». Enfin, on peut dire que les Essais de l’ENSATT révèlent une représentation théâtrale dès plus expérimentale, menant le spectateur vers maintes interrogations ; quel est finalement le rôle du spectateur ?
Crédit photographique Lara Balais